Le tueur à gages

[Post 9]

Léopoldine fut surprise par la foule qu'elle trouva à Atup. Des centaines de créatures faisaient la queue en face d'une immense plateforme controlée par des gardes. Les gens se bousculaient, certains se frappaient même pour pouvoir atteindre les premiers le passage. Bien qu'elle ait déjà emprunté plusieurs fois ce puit, jamais elle n'avait vu autant de monde. Il devait sûrement se passer quelque chose d'important pour qu'un tel rassemblement ait lieu. Léopoldine décida de se renseigner auprès du trio de Sajirs qui patientaient devant elles. Leur sujet de conversation devait être passionnant car ils parlait à voix basse, formant un cercle visant à écarter toute tentative d'intrusion, et la jeune fille du les interpeller plusieurs fois avant qu'ils ne se retournent.

-Excusez-moi, savez-vous par hasard pourquoi il y a autant de monde aujourd'hui?

-Mais voyons ma petite, tu sors d'où toi? T'as pas vu les affiches collées de partout? On est en guerre ma vieille, et pas qu'un peu. Tous les Sajirs sont mobilisés, on va exterminer ces salauds de doinins.Oh bien sûr, personne est obligé, mais tu sais comment ils sont, un minimum de pression, et les gens prennent leurs armes.

-Vous y allez vous aussi?

-Un peu qu'on y va! on attend que ça depuis toujours tu sais, alors on va pas se priver de ce plaisir! D'ailleurs tout le monde ici y va, regarde comme ils sont tous armés: les femmes aussi, et même des gosses qui ont la moitié de ton âge! Mais bon, ça a ses inconvénients, la queue et longue, nous on attend que depuis quelques heures, mais il y en a, ça fait des jours qu'ils sont ici! Tu veux te joindre à nous?

-Je suis en pleine quête, et malheureusement je dois la finir. Mais j'adore lutter pour une bonne cause et je serais fière de combattre à vos côtés dès que j'en aurai la possibilité.

Des jours? Il était absolument hors de question de poireauter aussi longtemps. Ses alliés, déjà au courant depuis plusieurs jours, devaient sûrement l'attendre à Monl. Si elle n'arrivait pas le plus vite possible, ils repartiraient surement, la laissant toute seule face à cette ordure de tueur. Non décidemment, il fallait qu'elle ruse en convainquant un des gardes de la laisser passer. Alors qu'elle s'éloignait discrètement des trois sajirs qui de toute façon l'avaient complètement oubliée, elle repensa en souriant à ce qu'elle leur avait dit pour freiner leurs ardeurs. "j'adore lutter pour une bonne cause et je serais fière de combattre à vos côtés" ben voyons. Et pourquoi pas participer à des oeuvres caritatives pendant qu'on y est. Léopoldine aperçut un garde légèrement éloigné des autres, descendant gaiement une bouteille de vin. Elle se dit que si elle arrivait à le séduire, peut-être la laisserait-il profiter du prochain passage. Elle s'approcha de lui en le fixant droit dans les yeux, et celui-ci, la remarquant enfin, commença à se sentir troublé. Elle décida de jouer le rôle de la pauvre jeune fille perdue, et s'adressa à lui d'un air innocent:

-Je suis vraiment désolée de vous déranger, vous devez sûrement être débordé avec tout ce monde, mais combien de temps faut-il attendre pour se rendre au second sous-sol?

L'homme essaya d'adopter une attitude désinvolte, et répondit sur un ton qui se voulait assuré (bien que l'alcool ingurgité ne facilitait pas la tâche):

-Oh vous savez ma jolie, en commençant à attendre maintenant, vous en avez bien pour, quoi, trois petits jours?

Léopoldine se composa une expression affolée.

- Trois jours? Mais c'est horrible! Je dois rejoindre mon père au second sous-sol, vous comprenez, il est mourant, il n'en a plus que pour quelques heures, s'il n'est pas déjà trop tard, et il tenait tellement à ce que je sois là...

Elle cacha sa tête dans ses mains, feignant des sanglots plutôt réalistes. Puis elle fixa de nouveau le garde, d'un regard implorant, et alors que celui-ci semblait s'attendrir, elle pria pour que son stratagème fonctionne.

[Est-ce qu'il me croit?]

[Post 10]

20 minutes plus tard, Léopoldine sortit de la pièce minuscule, bientôt suivie par le garde qui affichait un sourire béat. Autour d'eux, personne n'avait semblé remarquer leur absence, pas même les autres gardes, trop occupés à calmer les émeutes. L'étrange duo doubla l'immense queue (haha) et s'approcha de l'élevateur. Quand les deux gardiens virent Léopoldine approcher, ils firent mine de lui bloquer la route, mais aperçurent derrière elle leur collègue qui leur signala qu'elle pouvait passer. Hochant de la tête, ils s'effacèrent devant elle et Léopoldine les regarda d'un air satisfait. Quelques Sajirs qui avaient remarqué l'entourloupe commencèrent à protester, mais un des gardes, frappant le sol avec sa lance fit taire les plaintes. Elle prit place aux côtés des autres passagers, et entendit son "ami" lui crier, alors que la plateforme commençait à s'agiter:

- Reviens me voir quand tu veux, je serais ravi de pouvoir t'aider à nouveau!

Elle lui sourit comme pour le remercier, mais dès qu'il eut le dos tourné, cracha de dégoût. Décidemment, qu'est ce qu'il ne fallait pas faire de nos jours, se dit-elle en fermant les yeux alors que l'élévateur se mettait en marche.